Plutôt furieux, James Kingston raccrocha le téléphone. Une fois n'était pas coutume, il avait eu une conversation houleuse avec Eleanor, sa femme. Elle aimait tout particulièrement l'appeler sur son lieu de travail pour lui parler de points sensibles. Aujourd'hui n'avait pas été une exception. Tout était parti d'un événement très usuel. Les Sanders, un couple d'amis avaient eu une petite fille et les avaient conviés à une fête en l'honneur de la naissance. James avait catégoriquement refusé d'y aller. Il n'anticipait que trop bien les réactions futures de sa femme qui le harcelait depuis des années pour  qu'ils aient un enfant. Elle passerait la soirée à se lamenter et à le culpabiliser. D'ailleurs, le processus était déjà en cours, elle avait pleuré, tempêté, fait remarquer que si jamais elle n'avait pas d'enfants, elle pourrait au moins connaître ceux des autres. Elle l'avait même menacé de divorcer. Il avait dû céder et accepter de l'accompagner, car il ne pouvait pas se permettre le scandale que provoquerait un peu partout la fin de leur mariage. Il redoutait déjà cette soirée ou sa chère épouse serait à la fois triste et en colère mais elle venait d'ajouter un cran supérieur en le chargeant d'acheter le cadeau par pure mesquinerie. Elle adorait le shopping et les enfants. Lui exécrait les deux. Elle se vengeait. Heureusement, il avait de quoi la contrer.

Il appuya sur une touche du téléphone et fut immédiatement en ligne avec son assistante qui occupait le bureau voisin. « Mademoiselle Evans, j'ai besoin de vous immédiatement ! » . Puis il se recula et s'appuya sur le dossier de cuir de sa confortable chaise de bureau, qui devait valoir plusieurs centaines de livres. Il s'attendait à voir la porte s'ouvrir à tout instant mais celle ci restait obstinément close. Il fronça les sourcils. Il se passa encore plusieurs secondes qu'il décompta soigneusement avant que Poppy ou Mademoiselle Evans -il changeait son appellation selon ses humeurs- pointe le bout de son nez dans son bureau. Il la fixa froidement et la réprimanda avant qu'elle n'ai put dire quoi que ce soit. « Quand je dis immédiatement, c'est immédiatement ! Qu'étiez vous en train de faire ? » . Il la regarda plus attentivement, cherchant à déceler des traces du culpabilité. Mais fidèle à son habitude, elle paraissait totalement lisse, candide. Il soupira, n'oubliant pas la mission dont il était chargé. Au final, il n'avait guère de temps pour s'intéresser aux états d'âme de son assistante. « Ne répondez pas à la question, je me rends compte que je suis moyennement intéressé par la réponse. J'ai besoin que vous alliez faire des courses pour moi. Vous êtes donc autorisée à sortir du bureau mais il faut que vous mettiez moins d'une heure, vous avez le rapport McKinley à taper ensuite. » . Il réfléchit brièvement à ce dont un bébé pouvait avoir besoin et se rendit compte qu'il n'en savait rien. Heureusement, il avait une femme en face de lui, et les figures féminines raffolaient de ces petites créatures gigotantes parfaitement inutiles. « Je suis invité à une sorte de baby shower ce soir. Il me faut un cadeau pour l'enfant. C'est une fille. Allez dans le magasin pour enfant le plus cher de la ville et trouvez moi un cadeau qui éblouira tout le monde ce soir. Vous avez crédit illimité. Pendant que vous y êtes, achetez aussi un bouquet de fleur pour ma femme. Il faudra qu'il y ait écrit une carte d'excuses avec. Et je veux bien un café aussi. Noir, avec deux sucres et un nuage de lait. » . Il allait avoir besoin d'un café et de bien d'autres choses pour supporter la journée à venir, il était de fort mauvaise humeur. D'ailleurs, la douce Poppy en fit encore les frais quand il releva la tête et vit qu'elle était encore là. « Et bien allez y ! Il y a de la circulation à cette heure ci et vous n'avez qu'une heure ! Vous voulez prendre des notes peut être ? » .